La dépression et sa bénédiction
- Jade Rosenbaum
- 1 sept.
- 4 min de lecture

En Occident et dans les pays occidentalisés, la dépression est un trouble, voire une maladie, de plus en plus omniprésente.
Un état jugé alarmant, péjoratif, et auquel il faudrait remédier. Cependant, l'Occident n'en perçoit pas encore la bénédiction.
Oui, il existe une bénédiction dans cette épidémie de dépression qui touche le monde : un cadeau où tintent les cloches des grandes noces, des grandes retrouvailles.
La dépression se déclare souvent après un choc, qu'il soit émotionnel, psychique ou même physique, mais parfois aussi sans crier gare.
Cet état s'impose à nous malgré nous, sans raison apparente.
L'un des éléments récurrents est le vide, avec une perte totale d'intérêt et de plaisir, comme si l'extérieur n'avait plus aucune attraction, ce qui accentue le sentiment de tristesse, de solitude, de dépérissement.
Plus on cherche à lutter en comparant notre vie, devenue ce vide, à celle des gens autour de nous, ceux qui continuent leur train-train quotidien rempli de vie, plus on souffre en silence de ne pas pouvoir, de ne plus pouvoir.
En Occident, les principaux symptômes de la dépression — comme le vide, la perte de plaisir et d'intérêt pour l'extérieur, le repli sur soi, etc. — sont inquiétants, alors qu'en Orient, les mêmes symptômes sont une bonne nouvelle.
Oui, la bonne nouvelle est que votre âme, enfin, veut se faire entendre et dessine pour vous, en vous, le mouvement d'un tout nouveau destin.
En Inde, dans différents courants religieux, la rencontre du vide est la porte d'entrée vers le royaume de l'intériorité, mais en Occident, nous n'avons pas appris à reconnaître et à apprécier le vide, le néant, à sa juste valeur.
En effet, nous avons plus tendance à associer le vide à la mort, et la mort comme la fin de toute chose.
Alors que la rencontre du vide porte la promesse de renaître dans l'éternel et d'intégrer cette vérité ici, dans notre corps de chair.
Plus tôt nous nous familiarisons avec cette donnée du vide pour en découvrir le potentiel de plein et plus tôt nous nous pouvons nous ouvrir à l'expression de notre soi profond.
La dépression offre le cadeau de la mort du petit moi, celui qui voulait tout contrôler, tout diriger, tout désirer, celui qui pensait mieux savoir à la place du Grand Soi, tant il l'avait oublié. La dépression appelle à mourir pour enfin faire entendre la voix de l'âme, afin que celle-ci puisse prendre le relais et nous apprendre à nous en remettre pleinement à la grande volonté supérieure.
"Votre esprit recherche toujours ce qui le nourrit, et nul autre que l'être suprême n'en est capable."
C'est pour cela que nous perdons l'appétit pour la vie, car une vie uniquement tournée et nourrie par les plaisirs des sens physiques est vide, sans intérêt.
Dans cette prise de conscience que, jusqu'à maintenant, nous vivions dans un mirage de remplissage, nous devons faire face au vide.
"Les masques de bonheur que portent les plaisirs de ce monde tombent."
L'âme appelle à une nourriture supérieure, à la rencontre et à la reconnaissance de la vie intérieure.
La dépression impose, offre ce mouvement de grand retournement vers l'intériorité, rendant fade tout ce qui se trouve dans le monde extérieur.
"Vous êtes de moins en moins attiré vers l'extérieur, et votre regard se tourne vers l'intérieur."
Tout ce processus nous appelle à mourir pour renaître dans la présence de notre être véritable.
C'est un processus qui implique des états souffrants, car nous n'avons pas appris à mourir, mais plutôt on nous pousse à survivre.
À survivre dans cette posture hors de soi, zombie des plaisirs éphémères.
Pourtant, la dépression, lorsqu'elle est vue pour ce qu'elle est : un cadeau de l'âme qui nous appelle à tout lâcher pour se reconnaître, est une bénédiction pour enfin s'harmoniser et entrer dans la Vie avec un grand V.
Un des pièges est de chercher et de s'accrocher à son moi d'avant, en l'idéalisant.
Pensant que sortir de la dépression, guérir, reviendrait à redevenir cette personne.
C'est là où l'on souffre le plus : dans cette volonté qui force encore, depuis le petit moi, par peur de l'inconnu.
Et pourtant, c'est en apprenant à mourir de ce que l'on a connu par ce petit moi que nous pouvons réellement transcender cet état et en saluer toute sa dimension initiatique.
Je vais vous donner un exemple à travers le récit de vie de l'écrivain Jacques Lusseyran : à 8 ans, suite à un accident à l'école, il devient aveugle des deux yeux.
Il perd son lien direct avec le monde extérieur : c'est le vide, le noir total.
On pourrait croire que cette amputation du monde extérieur le mettrait en dépression ; pendant un temps, oui, ce fut le cas.
Ce fut le cas parce qu'il essayait, malgré lui, de voir avec ses yeux comme il voyait avant, et cela le détruisait.
Il se disait que jamais plus il ne pourrait voir la vie et donc être dans la vie.
Jusqu'au jour où il comprit qu'il devait mourir de ce mouvement incessant et mortifère de vouloir voir du dehors comme avant, pour enfin percevoir depuis le mouvement contraire, celui qui retourne en dedans, dans son intériorité.
C'est là que s'ouvrit à lui toute la richesse, la lumière de la vie intérieure, qui fit tomber toutes les barrières qui le séparaient du dehors.
Dans cette ouverture à notre dimension intérieure, on ne s'éloigne pas du monde extérieur, au contraire, on s'en rapproche plus que jamais, puisque je vais au cœur de moi, alors j'entre en communion avec le cœur de tous les êtres et de toutes choses.
La dépression ouvre à cette grande mise à jour, qui demande à épouser un tout nouveau mouvement où les sens subtils vont devenir prédominants sur les sens extérieurs.
Un plaisir plus subtil, plus mystique, se dévoilera pour laisser mourir l'attachement aux sensations fortes, au sensationnalisme.
Avant, on cherchait à vivre à fond, et la dépression nous apprend à vivre au fond, depuis la profondeur de l'être.
Après avoir cherché à ranimer son ancien moi par les plaisirs artificiels, on abdique, on s'abandonne, pour un jour se laisser surprendre à renaître dans la douceur d'un rayon de soleil, la caresse légère et silencieuse du vent. Renaître depuis notre grandeur d'âme, dans ce qui est petit, dans ce que l'on avait oublié d'essentiel et qui, pourtant, est la vie même.
Jade Rosenbaum






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