L'écorché vif, se réparer

L'écorché vif "L'écorché vif naît avec le cœur si gros qu'il tient dans sa main. Il est comme ça par nature, d'une hypersensibilité extrême qui lui fait sentir le corps de l'humanité et les cris de la terre dans sa chair.

La frontière entre son intérieur et l'extérieur est si imperceptible que tout devient perméable, tout se mêle, s'entrelace.

« Ce qui est en toi et en moi, ça aurait pu être grand et beau de vibrer si fort avec le monde, mais voilà, le monde souffre, et cette souffrance est trop présente pour ne pas l'entendre. »

La douleur du monde fusionne avec les battements de son cœur ; chaque pulsation de vie se heurte à la dissonance ambiante, toujours avec le cœur tendu pour l'offrir, les plaies deviennent plus béantes.

Cette perception presque invisible de son individualité est comme une peau d'une infime sensibilité, une peau qui était censée le protéger, le couvrir, être son refuge pour se développer, mais qu'il n'a pas assimilée et qui s'est vue meurtrie, heurtée, peu à peu écorchée.

Cette peau lacérée, à trop vouloir être en ce monde comme dans l'unité du Royaume de Dieu, devient peu à peu son identité. L'écorché vif, c'est ce Chevalier, gardien des vertus du cœur, mais qui a oublié de porter son armure.

Dans le sens symbolique, l'armure est protection, car, à l'époque, c'étaient de jeunes hommes qui étaient initiés sur cette voie. Le chevalier représente la phase de l'adolescence entre construction et destruction, pour ensuite devenir Homme en étant couronné Roi. L'armure a cette vocation à protéger les énergies jeunes et vulnérables qui sont encore en train d'éclore en soi et qui peuvent facilement se laisser influencer par un extérieur "hostile".

L'écorché vif a été propulsé, surexposé sans avoir été préservé pour mûrir et ensuite offrir. L'écorché vif, c'est cette fleur grande ouverte qui s'offre en déployant son parfum, mais fragile, car elle a oublié de prendre le temps d'être un bourgeon.

Dans cette perdition à l'extérieur de soi, remplie de souffrance, l'écorché vif peut devenir en réaction permanente avec ce monde.

La moindre effluve déviante le brise, le déchire ; la douleur peut se transformer en colère et il peut devenir l'écho démultiplié de cette violence qui lui est à la base insupportable.

C'est ainsi qu'il peut partir en guerre, contre lui-même et le reflet qu'il s'est forgé de l'humanité. Mais cela ne fait que le perdre encore plus loin de lui-même.

Sans s'en rendre compte, l'écorché vif est un pèlerin, celui qui ne cesse de se défaire des couches superficielles pour révéler son authenticité.

Sur ce chemin de révélation, il peut se retrouver piégé en surface de lui-même, par cette peau si blessée qu'elle ne cesse de le priver d'enfin pouvoir se retrouver.

En effet, il se retrouve condamné à s'extraire sans cesse de son centre pour réagir aux illusions du cercle.

Pourtant, voilà le plus beau cadeau qu'il peut se faire : offrir un baume à cette partie de lui scarifiée.

Et ce baume est en lui, dans cet espace qu'il a trop souvent fui, négligé, par peur, par cette illusion de vide, pourtant rempli d'une présence au cœur de lui-même.

Dans ce retour en son foyer, il y découvre un feu qui éclaire, réchauffe, si doux qu'il ne brûle pas ; c'est un feu d'une autre substance que celui des canons, des artifices à la surface. Il redécouvre par cette lumière l'essence du monde, non plus dans son reflet distordu, mais cette essence d'amour qu'il a toujours sentie et cherchée à retrouver. Alors il comprend que tout était déjà là en soi, que ce qu'il est allé éprouver dans les autres, était dans un royaume plus silencieux et secret.

Et qu'à présent, les plaies, il pouvait les soigner, les embaumer, les cicatriser. Il remercie d'avoir été ainsi pelé et mutilé, car tout cela lui a offert comme une carte pour retourner dans son noyau où tout est encore dans son germe de pureté."

Jade Rosenbaum 🌹